Chaise pas ce que j’ai !

Je songe à débrancher l'électrique – Muter en canneur poétique
Série Mise en plis

Je songe à débrancher l’électrique – Muter en canneur poétique

Fusain, pierre noire, encre de chine et pigment blanc sur papier collé, 11 chaises, 2017

La chaise est un espace intime resserré. C’est un espace précaire de confort. Une chaise est polyvalente : soit privée soit publique, de différentes formes, adaptable. On l’adopte, on la repose. On la contemple, on s’y repose. Avant de s’asseoir dessus, elle doit nous inviter. Elle doit être pratique, car avant tout la chaise est un objet : en cela elle peut être détournée. Une chaise est une chorégraphie : regroupée ou isolée, à califourchon ou en guise de table, support de cul ou de pieds, elle dit l’état de celui qui l’utilise.

Le projet Chaise pas ce que j’ai s’inscrit dans une réflexion autour des plis initiée en 2014 avec Alexandra Bruyère – autrice. Le jeu entre l’image et l’écriture est de mise. La poésie se lit dans les lignes du dessin et le dessin invite à la poésie, l’objet « chaise » est le lieu du récit. Comment regarder ce sur quoi on est assis ? Ce projet à été montré durant le festival des Itinerrences des poissons rouges à Valence, qui avait pour proposition : itinéraire précaire. L’installation des chaises accompagne donc la trajectoire du spectateur dans l’exposition. S’asseoir durant un itinéraire, est-ce s’y plier ?

Chaise pas ce que j’ai

Je ne me pose pas
Sur les bons sièges
Tabourais-je que je rêve?
Je rêve d’autres chaises
De bancs larges, de divans
De coussins mous et de roulettes
De trône, de chaire et de piétement.
Je voudrais empailler ma vie
Regonfler les coussins péteurs
Faire la bascule, prendre mon pied
Vouer un culte aux accotoirs
Laisser tomber les escabelles
Et aux manchettes faire la part belle
Bâillonner les théories fumeuses
De ces longues soirées causeuses
Ranger loin les dossiers brûlants
Plier enfin les strapontins
Traverser la médiane, tâter de l’accoudoir
Ceinturer les assises aux canapés montants.
Je rêve de chaises hautes, longues et pliantes
Je les vois musicales, de chœur ou d’enfant
Au fond d’un jardin, d’un bureau, d’une poste
Tout me sied.
Je songe à débrancher l’électrique
Muter en canneur poétique
Je guette sur ma miséricorde
Une bergère aux joues torves
Et je poufferai de rire
Allongée sur un sofa.
Chaise pas ce que j’ai…

Alexandra Bruyère